Archives de Tag: précarité

précarité[3]: le temps dans 1m2


 ou le modèle d’une amnésie.

nous entassons toujours des tonnes de souvenirs, d’objets, de mémoires durant notre vie. Certain déménage pour s’agrandir, d’autres jettent pour avancer, et puis d’autres perdent, tout.
Dans la précarité il n’y a pas de place, y compris pour soi-même.

 

Assis sur une bouche d’aération la mémoire s’effrite, les repères s’estompent, la perte s’installe.
Avec comme une unique bouée d’une vie passée un sac. Et dans ce sac y à quoi ? Je ne sais pas.

 

 

Mais je me suis toujours demandé : parmis ce que j’ai s’il y a avait une chose que je devais garder ça serait quoi ? Bien sûr c’est une question de choix. Dans la précarité le choix n’est pas le filtre de ce qui reste. Ce qui reste est la nécessité. De toutes les manières comment penser une mémoire, l’entretien d’une mémoire, quand le repère géographique n’est plus, quand le repère civil n’existe plus, quand l’image de soi n’interroge plus, quand la mémoire se résume au m2 occupé.

Le temps dans 1 m2 c’est un temps qui s’effi-cloche (oh la belle faute frappe!). Le temps dans 1 m2, c’est le temps du précaire, de celui qui ne peut plus entretenir sa mémoire ou, qui fait de sa mémoire la seule activitée possible, continuellement. Etre précaire de son histoire.

 

L’oubli prend une forme de plus en plus petitement générale. le précaire ne se souvient pas. L’oubli devient son moteur. Le moteur qui ne s’intéresse qu’au présent, qu’à ce qui est appelé, ici et maintenant, qui ne cherche pas, qui prend pour argent comptant, qui a besoin d’amnésie pour avancer, pour fuire son histoire, pour être autre, qui se ment pour être présent.

Le précaire est celui qui accepte que le pouvoir est de celui qui ment, qui conforte, qui permet de ne pas penser, qui adouci, qui fait du présent la seule réalité, qui fait du passé un simple : oubliez moi de culturelle … qui fait se sentir là , toujours présent …
 

(à suivre)

précarité [2] : les artistes ont la forme

Dans la suite de précarité ou l’accident d’un modèle j’ai choisi de vous parler de luxe. Oui ce luxe qui permet à des gens comme moi de penser la précarité sans grand risque. Certains ont décidé de la placer sous le thème de l’humour, de la dérision, du cynisme, pour mieux nous montrer certaines absurdités. Nous mettre le doigt dans l’oeil.

Michael Rakowitz :

P (LOT) - Michael RakowitzP (LOT) - Michael Rakowitz
P (LOT) - Michael Rakowitz

J’adore 🙂

Autre point de vue

Même si l’artiste ci-dessous ne travaille pas sur l’habitat précaire, je prend le parti de présenter une pièce qui évoque pour moi l’accident et la précarité comme une solution à l’espace :

TopographieLaurent Perbos

Topographie - Laurent PERBOS
topographie - Laurent Perbostopographie - Laurent Perbos

« Même si l’on peut retrouver des vestiges d’anciens processus formels, par exemple une déclinaison de la table de ping-pong ou du terrain de tennis, la forme s’ouvre sur un paysage qui détermine une sorte de vallon. Le regard peut se promener sur les courbes de niveaux de cette topographie, des pieds du visiteur jusqu’à la hauteur des yeux. Pour l’artiste, c’est le dessus de la structure qui est la base de la proposition.
Cette topographie n’est ni une maquette à grande Èchelle, ni la représentation d’un espace,
c’est vraiment un espace qui est déplacé. »
Lise guéhénneux.

Avec des formes et matériaux simples nous pouvons envisager des réponses poètiques, qui enrichissent l’homme, surtout le plus faible. Que le luxe n’est pas la matière mais la façon d’envisager son espace et son être. Comment penser l’habitat sans penser l’environnement.

-Mon luxe à moi : anecdote
http://www.bout-de-papier.eu/
origine de la photo : bout de papier

Lorsque j’étais étudiant, ben j’avais pas de moyen, ça va de soi. Quelques jours sans un kopeck ça change la donne. J’habitais une petite chambre à St Michel en plein coeur de Paris (merci encore à cette propriétaire qui avait bien compris le sens d’équitable avant la lettre). Je faisais la vaisselle dans ma douche, le reste était pris par mon lit. Bref une chambre d’étudiant plein les dents. Tout ça pour dire, que mon habitat n’était pas circonscrit à ces quelques mètres carrés bien sûr, mais bien au-delà. Mon luxe était d’avoir tout le quartier pour moi. J’étais bien plus riche que la voisine du dessous avec ces 100 mètres carrés. Mes petits déjeuners je les prenais dehors sur le bord de Seine face à Notre Dame (viennoiserie toute fraîche de la boulangerie, et café à emporté du bistro d’à côté). J’avais la plus belle cuisine du monde. Le soir je pouvais inviter autant de gens que je voulais à mes apéros sur le bord de l’eau. Sous le coucher du soleil mon salon était dés plus spacieux, l’écran était géant. L’après midi je faisais la sieste sous l’arbre le plus vieux de Paris (square de Saint Julien le Pauvre), quel luxe d’avoir un jardin en plein paris. Les peu de mètres carré de ma chambre s’étaient transformés en un quartier aux pièces uniques. J’étais heureux de ma précarité, parce que mon habitat était un environnement territoire.

Voilà maintenant que nous y sommes : l’espace commence dedans. Et c’est dans ce dénuement que l’on peut s’habiter. Le dénuement n’est pas nécessairement la pauvreté, qui est une précarité non voulue, qui n’est surtout pas une économie, comme certain le laisse penser. Je parle ici du luxe de la précarité, celui qui fait grandir, qui élargit notre propre horizon et pas celui qui nous fait raleur. Mais bien celui qui nous ramène à l’enfance, au rire et à la rêverie. Ce luxe qui nous permet de voyager sans bouger.

Boris Achour nous donne quelques pistes d’amusement.

Sommes-1999
sommes - boris achour

Voilà donc des pistes pour s’alléger … à suivre

la tente à tata ou l’abris tas d’idéal

petit travail sur la tente comme modèle de maison

Vous avez sûrement tous connus ces tentes familiales. Celles qui ressemblent comme deux gouttes d’eau aux pavillons de banlieue. Manque plus que les géraniums aux fenêtres en plastique.

tente familiale
>> voir le site d’ALS camping

>> voir sur Ebay

Bref un monde de Playmobile. Où rien ne dépasse : non pas comme une économie nécessaire, un minimal de vie. Mais rien ne dépasse comme il faut : que ce soit propre et ordonné s’il vous plaît!

Ah les playmobiles ! Vous savez ces petits humains en plastiques (comme les géraniums de la tente à tata) qui ont du mal à se serrer dans les bras, tout raide qu’ils sont aux mains de pinces, sorte de clone social pour enfants. Même si j’y ai joué comme tout le monde. En regardant de plus prêt, ils sont un peu débiles ces playmo. Dans playmobile y a … je plaisante. En tout cas il y a mobile. Et pourtant ils n’ont rien de mobile, il ne peuvent pas marcher, ils ne peuvent que sauter, les 2 jambes en même temps comme des lapins, et se reproduisent à grand frais dans la chambre du bambin, comme des lapins …

Et ben le lapin il a un terrier et ce terrier ben c’est une maison. La maison playmobile, je parle de celle de la classe moyenne, je ne parle pas bien sûr des dérivés csp+ qui ressemble à de la crème chantilly. Non je parle de la maison typiche. De la classe normale (infirmière, pompier, pompiste, boulanger etc…) le modèle basique quoi, qui crève pas trop le porte-monnaie de grand-mère :

playmobile

Et donc comme tout clone et ben ça reste en-semble nah ! Formant ainsi un maillage infini de petit cube d’habitation identique les uns aux autres. Tel un monde fractal de plus qui en comprenant MandelBrot n’a rien de différent vue de haut quand il est petit !

pavillon region parisienne
camp de vacances


Le monde fractal à ça de rassurant c’est qu’à quelque moment, endroit, lieu,espace, où l’on soit il est le même. Donc pas de panique et les vaches sont bien gardées. Voilà un assemblage de similaire redoutable ces cités pavillonnaires. Pas de place à la différence, seulement des places aux noms de fleurs (pétunias, hortensia … du playmobile je vous dis). D’ailleurs la différence elle doit être ailleurs, sinon Mandelbrot perdrait ses repères. Repère de clone. Les playmobiles vivent donc en-semble loin d’eux. D’eux-mêmes (puisqu’ils sont clones) mais des autres aussi.

Alors comment penser un réseau fractal qui permettrait de la différence ? Comment entrevoir l’habitation autrement que dans un imaginaire tirolien ? Comment organiser son espace en un dessin modulable et mouvant ? Peut on concevoir une architecture d’enfant pas trop conne ? Peut on rester enfant de notre vie ?

vue pavillon
La Côte Fleurie – Loi de Robien recentré


Dans des recoins d’expérimentations on trouve quelques réponses. La tente aujourd’hui se résume presque à une seul marque ‘Quechua’ de la chaîne Decathlon. Elle a revêtu ses lettres de noblesses dans la précarité. D’ailleurs quel hasard à fait que Quechua fut l’habitat de ceux qui ‘échouent là’ :

les enfants de Doncuichotte
Canal St Martin – Paris 2006
Les enfants de Donquichotte


Voilà nous y sommes presque. Sa forme d’igloo, représentative de la mobilité, nous rappelle les peuples nomades. Bref des Inuits transformés en pingouins d’une précarité bien ordonnée. Nous sommes sortis de la maison, de la tente à tata. Nous sommes des voyageurs, des trackers, des globes trotteurs … des aventuriers au rang d’honneur, en rang d’oignon. En précarité je vous le dis l’habit doit être nomade, pour tous ! En tous cas c’est ce que l’on voit. Mais outre la forme rien n’y change.

Il est important de ranger, classer, d’ordonner, le voyageur, le précaire, le travailleur, dans un fractal à géométrie variable.

Bon qu’est ce qu’on veut faire avec cette histoire de tente à tata ? Ben rien. Juste essayer de penser autrement. Et de se dire qu’il est peut-être possible d’inventer de nouvelle forme à l’habitat, précaire ou pas. D’utiliser l’accident de la vie, le quotidien changé et changeant, la différence, l’humour, le langage … en tous cas rien de Playmobile.

maquette franck gehry
maquette franck gehry
maquette de travail de Franck Gehry

( à suivre )